Le plus long fleuve du monde? Fastoche, c’est l’Amazone me réponds tu ami lecteur. M’ouais t’emballe pas mon gars c’est pas si sûr. D’abord les fleuves et principalement les sources ne sont pas faciles à déterminer. Quel est le point le plus haut, quel est l’affluent mineur par rapport au fleuve… Toussa, toussa. Alors le tout au fin fond de Pérou dans une des régions les moins explorées d’Amérique du Sud c’est pas évident. Pendant de nombreuses années, la source de l’Amazone était localisée au pied d’un glacier des Andes à plus de 5 200 mètres.
Mais plus récemment il a été convenu que dans la province d’Arequipa, au pied d’une falaise du Nevado Mismi, surgissait l’Apurimac qui serait alors la source la plus lointaine du puissant fleuve. Cette localisation, à environ 150 km du lac Titicaca, tient la corde depuis le début des années 2000. De ce point l’Apurimac, qui devient en aval l'Ucayali, s'écoule vers l’Atlantique sur un peu plus de 6 800 km.
Sauf que dans les magnifique sommets péruviens un autre élément sème le doute. Non loin de Lima, à environ 800 km au nord-ouest de la source de l’Apurimac, le Rio Marañon surgit lui au pied du glacier Nevado de Yapura. Il donne naissance à un puissant bassin versant et le Rio Marañon est souvent considéré comme la branche majeure du système hydrologique de l'Amazone car son débit (16 000 m3 par seconde) est bien plus important que celui de l'Ucayali (13 000 m3/s). Bref tout cela est un peu confus. Depuis sa source glacière et après avoir parcouru 1 600 km le Rio Marañon rencontre l'Ucayali qui lui a déjà fait un trajet de 2670 km. A partir du point de confluence des deux cours d'eau le fleuve se nomme Amazone. Et de là plus de doute jusqu’à l'océan. Quoique...
Si la source pose question, question d'égo surtout, l'embouchure elle aussi est sujette à caution. Le fleuve est si puissant, 180 000 m3 par seconde à 500 km de l'océan, que le delta est immense et divague en tous sens. Ainsi l'Amazone s'écoule-telle aussi vers l'embouchure d'un autre fleuve, le Para et le delta ferait alors environ 300 km de large. Sans le Para et dans l'axe principal du fleuve se serait plutôt 130 km. Si l'on compte le Para comme étant l’Amazone alors le fleuve pourrait mesurer plus de 7 000 km depuis la source de l’Apurimac. Et pour forcer le tout sachez que la transition entre le fleuve et l'océan n'est pas une science exacte. Mais sachez néanmoins que l'eau saumâtre née du mélange de l'eau du fleuve et celle, salée, de l'océan se retrouve à 300 km des côtes brésiliennes. Ah c'est pas le Loiret et ses 11 km qui a quand même donné son nom à un département français. Vif exploit pour le cours d'eau français!
Revenons à la question initiale : « le plus long fleuve du monde? ». Alors admettons que l'Amazone mesure 6 800 km de la source à l'embouchure (sans le fleuve Para). Y en a-t-il, sur d'autres continents qui seraient plus longs. En Europe, le plus grand fleuve c'est la Volga qui mesure 3 700 km, le Danube lui stagne à 2 850 km. Le vieux continent est exclu du jeu. En Asie le Yangzi Jiang, dit le fleuve bleu, frise les 6 350 km. Ah, là on a un challenger, chinois de surcroît donc à prendre toujours au sérieux quand il s'agit de faire croire qu'on est le plus fort. Mais il manque encore quelques kilomètres pour battre l'Amazone. Alors en Afrique? Si la source du système hydrologique de l'Amazone n'est déjà pas nette, il en est un en Afrique qui, lui aussi, a du mal à trouver sa source : le Nil. En partant de son embouchure en Méditerranée, le fleuve a déjà traversé l'Égypte et le Soudan. A Khartoum, le Nil est issu de la fusion de deux grands bassin hydrographiques. Le premier le Nil bleu qui prend source au lac Tana en Éthiopie à 1 400 km de Khartoum. Le second le Nil Blanc, bassin principal du fleuve, qui arrive d'encore plus loin depuis les vallées du rift. Si l'exploration du Nil bleu était facile et cela depuis la Grèce antique, la partie du Nil blanc était inconnue.
Au milieu du XIXe siècle, un anglais répondant au doux nom de John Hanning Speke, remonte depuis Zanzibar et arrive sur les rives d'une vaste lac. Hop, on est anglais, on n'a peur de rien : le lac portera le nom du plus haut dignitaire de la perfide Albion : la Reine Victoria. Elle est aussi Impératrice mais n'en faisons pas trop avec les britanniques. Merci pour mes nerfs. Bref Speke devant ce vaste lac pense avoir ici la source du Nil blanc et donc du Nil. Mais sa « découverte » est remise en cause. Car il ne démontre pas le lien entre le lac et le Nil qui coulerait donc au nord. Un écossais, David Livingston cherche aussi mais atteindra plutôt le bassin du Congo, les grands lacs du rift et nullement le Nil. Son homologue Stanley cherche aussi et découvre une chute d'eau au point le plus septentrional du lac Victoria : les chutes de Ripon. A force de parcourir la région en long et en large il ira même jusqu’au lac Tanganyika et y retrouvera Livingston, malade, avec une phrase désormais célèbre : « Dr Livingstone, je présume ? ». Le flegme absolu. Mais Speke est vexé comme un pou qu'on puisse douter de sa découverte. Depuis le lac il descendra une partie du cours d'eau s'écoulant vers le nord et se retrouvera dans les contrées connues du Soudan. Il affirme donc que le Lac Victoria est bien la source du Nil via son émissaire les chutes de Ripon. Sauf qu'on sait depuis que le lac Victoria est alimenté par des cours d'eau au sud-est du lac. Trois rivières sont aujourd'hui considérées comme les sources du Nil Blanc : le Ruvyironza, le Ruvubu et le Kagera. En fonction des petits affluents du lac Victoria, le Nil mesurerait donc entre 6 650 à 6 800 kilomètres. Alors quelque part aux confins de la Tanzanie et du Rwanda se trouverait la source du Nil. Certains cherchent encore des kilomètres supplémentaires pour en faire le plus long système fluvial au monde devant l'Amazone. Pas sûr que les péruviens et brésiliens voient cela d'un bon oeil.
