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  • Photo du rédacteurThomas GROLLIER

Brève cartographique #19


 

L’arc alpin a toujours été une frontière naturelle difficilement franchissable. Les sommets de 3 000 mètres y sont légion mais cela ne stoppa guère Hannibal venu affronter d’autres légions, romaines cette fois. On est alors 218 avant la naissance de JC et le lieu de passage réel reste sujet à polémique. Maurienne, Val de Durance, Queyras et Petit ou Grand Saint-Bernard... N’en déplaise aux directeurs d’office du Tourisme locaux, peu importe le lieu exact du passage. Le tour de force des Carthaginois reste de franchir avec armes, éléphants et bagages, des routes peu connues, dangereuses et vraisemblablement enneigées. Figurez vous qu’entre la plaine rhodanienne et celle du Pô, le col le moins haut est celui de Montgenèvre à un peu plus 1850 mètres quand même. Ces cols des Alpes Napoléon s’y est également confronté. Lors de la 2e campagne d’Italie, franchissant principalement les cols du Grand Saint-Bernard et du Gothard (l’actuel Valais suisse était alors un département français), les troupes tricolores foncent sur les impétueux autrichiens venus reconquérir Milan. Victoires à Montebello et Marengo... Peut-être le début de la fin pour la Maison de Habsbourg.

On l'a compris, traverser l'arc Alpin c'est compliqué et même le survoler resta un problème pour l'aéronautique jusqu’aux années 50. D'où l'idée : est si on passait dessous? Facile à exprimer, plus compliqué à mettre en pratique. Au coeur des montagnes au XIXe siècle, les Ducs de Savoie ont grand besoin de réunir les deux parties de leur nation, Savoie au Nord, Piémont-Sardaigne au sud. Au milieu le problème connu depuis Hannibal. Et là, le col le moins haut c'est quand même le Mont-Cenis à 2085 mètres. Le chemin de fer va apporter la solution. Si dans un premier temps fut expérimenté une voie à crémaillère sur les pentes du Mont-Cenis, le passage sous la montagne a vite été privilégié.

L'ancien portail d'entrée du tunnel côté France

Premier ministre du Royaume de Sardaigne, Cavour se lance a corps perdu dans l'aventure et en 1857 le chantier débute à Modane en Maurienne afin de relier, 12 kilomètres plus loin, Bardonnecchia dans le Val de Suse. En dehors des tirs de mines, la technique est alors révolutionnée par la puissance de l'air comprimé. Mais entre-temps le chantier devient international, car la Savoie bascule dans le giron français en 1860. Bon an, mal an, les travaux se poursuivent et s'achèvent en 1871. Un an plus tard, ce sont les suisses qui entreprennent le tunnel du Gothard, là aussi avec le besoin de relier deux parties territoriales séparées par la muraille alpine. Et la Suisse elle aime faire des trous. Elle poursuit avec le tunnel du Simplon (1906) puis le Lötschberg (1913) La Suisse un vrai gruyère dit-on... alors que justement le Gruyère suisse n'a pas de trou (les trous c'est l'Emmental).

Au XXe siècle les règnes français, sarde ou italien sont rangés dans les livres d'histoire. C'est pourtant un autre royaume qui va s'imposer : celui de l'automobile. Et bien on creuse aussi pour elle : Mont-Blanc, Fréjus (justement juste à côté du tunnel ferroviaire), Grand Saint-Bernard... Tellement puissante l'auto que certains tunnels ferroviaires sont reconvertis pour le gabarit routier. Tunnel Maurice-Lemaire entre Vosges et Alsace, et, dans les Pyrénées, celui du Somport est devenu la galerie de secours du nouveau tunnel routier. Encore plus en avant et pour des raisons de sécurité, le tunnel routier du Fréjus va même avoir un deuxième tube en 2023.


Entrée du tunnel routier du Mont-Blanc côté France

Mais le rail a une volonté de fer! Au tournant du siècle il reprend l'avantage sur la route, principalement avec les suisses. Mais là on passe sur des dimensions toutes autres avec les tunnels dit "de plaine", c'est à dire des tunnels qui restent à basse altitude et sans rampe. Nouveau Gothard (57 km), nouveau Lötschberg (35 km), Ceneri (15 km). En construction, le tunnel sous les Alpes du Lyon-Turin (57 km) ou le nouveau Brenner (55 km). Vous n'êtes pas près de voir le bout du tunnel avec des telles longueurs. Et pourtant, ces géants ne sont que les dignes successeurs de ce qu'on croit être le premier tunnel franchissant les crêtes des Alpes : le tunnel de la Traversette! Yep.


Je vois des yeux interrogateurs ami lecteur. Quel est donc ce tunnel frontalier au cœur des Alpes dont tu n'as peut-être jamais entendu parlé? Un indice : c'est un tunnel international et il relie le Queyras dans les Hautes-Alpes à la plaine padane. Toujours pas? Non? Il y a une raison. Il a été mis en service en 1480, mesure seulement 60 mètres et ses accès se hissent à presque 2900 mètres d'altitude. Pas le plus simple à atteindre mais il aurait permis de faire transiter sel et autres biens en évitant la crête sommitale des contreforts du Mont Viso (3841 m). Restauré en 2014, il est toujours en service piétonnier... quand ses accès sont déneigés.


Entrée du tunnel de la Traversette côté France

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