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  • Photo du rédacteurThomas GROLLIER

Brève cartographique #40


 

Mes chers lecteurs, aujourd’hui sera un brève particulièrement triste car nous aller parler d’une guerre. Préparez vos mouchoirs car voici la terrible histoire de la Guerre des Stops ! C’est sérieux alors ne faites pas les malins. Elle opposa la France et l’Espagne et ne fit, heureusement, aucun mort. Je te sens trépigner ami lecteur car tu ne te souviens absolument pas d’avoir déjà entendu parlé d’une quelconque guerre franco-espagnole du nom de « Guerre des Stops ». Mais comme souvent ici tout s’explique.

Comme traditionnellement dans ces brèves, faisons un petit retour dans le temps pour dépeindre le tableau. Pas très loin de la Méditerranée, se situe une vaste plaine entre deux parties du massif pyrénéen. C’est la Cerdagne. A l’Ouest de la plaine vous avez Andorre et des sommets qui dépassent déjà les 2800 mètres autour du col de Puymorens. A l’Est de la Cerdagne vous avez, perché à 2 784 m, le Pic du Canigou (comme le produit pour chien) et la chaîne des Albères qui descend jusqu’à la mer au cap Cerbère (comme le chien polycéphale). Le passage étant relativement facile dans cette partie des Pyrénées, la Cerdagne a toujours été une zone de passage et d'échange.

Pic du Canigou (2 784 m)

Donc du temps de nos bons rois c'était pareil. Tant est si bien que cette zone et le reste du Roussillon a souvent été très disputée entre le royaume de France et celui d'Espagne (il y a aussi le royaume d'Aragon mais on va faire simple). Faisons fi également des multiples péripéties de possession avant le XVe. Fixons donc le début de l'histoire en 1493. Le roi de France, Charles VIII, signe à Barcelone, un traité abandonnant le Roussillon et la Cerdagne à Ferdinand II d'Aragon, roi de Castille et d’Aragon. Peu de temps après, au cœur de la Cerdagne, Llívia, un bourg un peu plus grand que les autres et ayant déjà un solide passé, se voit officiellement reconnu comme ville. Vous me direz est-ce bien important? ET BIEN OUI! Mais pour plus tard.

Cardinal Jules Raymond Mazarin

Et ce plus tard c'est maintenant. Vous êtes en 1659. Mazarin qui n'était pas un manche pour gérer les affaires du Royaume de France, signe le traité des Pyrénées qui place le Roussillon et une partie de la Cerdagne sous la couronne de France. Le texte indique que les 33 villages de Cerdagne au nord du trait dessiné sur la carte, deviennent français. Oui mais, les espagnols qui ne sont pas non plus des manches, vont immédiatement notifier que Llívia n'est pas un village mais une ville. Je vous laisse imaginer la gueule des négociateurs Français à ce moment là. Mythique. Bon, un an plus tard, l'affaire commence sérieusement à fatiguer tout le monde et la France reconnait officiellement que Llívia est espagnole mais entourée des terres françaises. On est en 1660, la petite ville reste donc espagnole mais est enclavée dans la France. Oui, une enclave! Joie de votre narrateur. L'accord précise alors que la petite ville ne doit pas être fortifiée et qu'une route, dite « route neutre » doit relier, sur 4 km, l'Espagne (depuis la ville de Puigcerdà) à la petite enclave espagnole de 13 km2. Ceci permet alors aux espagnols de circuler librement sans problème de douane ou de paperasse. Donc là, sans trop voir le coup arriver, nos amis du XVIIe viennent de créer le beau plus passage de contrebande pyrénéen entre l'Océan Atlantique et la Méditerranée.

Depuis 1660, la petite vie de Llívia se déroule sans trop de problème. Et là, en 1971, la catastrophe. Sur le territoire français, la petite « route neutre » coupe à angle droit la Nationale 20 qui est quand même d'un calibre tout autre. Le pays hexagonal fait donc installer de beaux octogones rouges « STOP » à l'intersection entre la N20 et la « route neutre ». La sécurité on vous dit! Et la France fait logiquement ce qu'elle veut chez elle. Sauf que cette fantaisie panneautesque n'est pas du goût des 900 habitants du Llívia de l'époque.


Fond IGN

Borne frontière

Le traité de 1660 précisant « route neutre », il ne peut y avoir quelconque barrière, fusse un stop. Débute alors la terrible guerre des Stops qui verra une quantité non négligeable de panneaux disparaitre régulièrement. Pourtant, le long de la N20, la ligne ferroviaire du fameux Train Jaune coupe elle aussi la « route neutre ». Les STOP ont donc une nette utilité sur ce passage à niveau commun avec l'intersection avec la N20. Las, sans mort au combat mais avec quelques pertes métalliques, la guerre des Stop prend fin en 1983. Dans une mansuétude peu habituelle la France construit un pont enjambant la N20 et la voie ferrée afin que la route neutre retrouve sa fonction édictée 323 ans plus tôt. Tout cela parait un peu désuet alors tout ce beau monde vit dans l'UE et l'espace Schengen. Quoiqu'il en soit, l'Espagne, avec Llívia, a bien une petite enclave en France. Une enclave qui a su, avec sa guerre des Stop, obtenir de conserver sa route neutre et sa spécificité.




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