Pour la reprise de cette rubrique après la pause estivale, je vous propose d’aller en hiver. Plus précisément en 1968. Cette année là Grenoble accueille la 10e olympiades des Jeux d’hiver, la seconde organisée en France après celle de Chamonix en 1924. Les jeux ne sont pas encore devenus le grand Barnum que nous connaissons aujourd’hui, et « seuls» 1200 athlètes étaient présents sur 35 épreuves (il y en avaient 3000 pour une centaine d’épreuves à PyeongChang en 2018).
L'accessibilité transports avait été le point noir pour la candidature iséroise. Quelques travaux ont donc concerné ce secteur : la nouvelle (et particulièrement moche) nouvelle gare ferroviaire de Grenoble et quelques kilomètres d'autoroutes (l’A48 à l'entrée nord-ouest de la ville). Mais pour l'histoire des Jeux modernes, Grenoble 1968 c'est surtout la retransmission en direct et en couleurs de certaines épreuves et la première mascotte olympique, «Shuss», un petit skieur. On dirait d'ailleurs plus un monoskieur même si ça n'existait pas encore à l'époque. Mais bon, parler de monoski ça me fera gagner des points avec mon épouse...
Pour les sites, structurellement, pas de grands différences avec aujourd'hui. Et surtout, fait immuable dans les olympiades, il y a les fameux « Eléphants blancs ». Pour les JO d'hiver quelques soient les pays et les dates, il y a invariablement deux sites qui seront abandonnés après quelques années d'usage : le tremplin de saut et la piste de bob. Grenoble n'y échappe pas et je vous propose un voyage dans le temps vers le grand tremplin de saut de Saint-Nizier-du-Moucherotte et vers la piste de bobsleigh de l’Alpe-d'Huez.
Honneur à la très éphémère piste de bob. A 2.000 mètres d'altitude, une piste de 1.600 mètres de long est construite pour environ 7 millions de Francs de l'époque. Cas unique, la piste n'accueille que les épreuves de bobsleigh. En effet la luge se déroulait elle sur une piste spéciale construite à Villard-de-Lans. Pour le bob, à cette époque, seuls les hommes sont autorisés à concourir dans deux épreuves bob à 2 et bob à 4. Deux épreuves, quatre-vingt-dix athlètes, quatre jours de compétition et un 100% pour les italiens et leur pilote Eugenio Monti qui raflent les deux breloques en or. Mais la piste est construite plein sud et le soleil fait fondre la glace. Les épreuves doivent donc être organisées de nuit (Turin 2006 fera la même erreur avec la piste de Cesana, plein sud et bientôt détruite). Après les Jeux, la piste de béton de l'Alpe d'Huez est rapidement abandonnée et les bulldozers viendront l'arracher du paysage en 1990. Seuls les souvenirs et quelques images restent... Depuis la piste de bob de La Plagne, construite pour les JO d'Albertville, est venue fournir à la France le seul équipement de stature internationale encore utilisable.
Le grand tremplin de saut de Saint-Nizier, c'est autre chose. Les organisateurs ont voulu en faire une épreuve phare des jeux. Par sa situation géographique il domine Grenoble et à la télévision on pouvait avoir la sensation que les compétiteurs allaient atterrir au coeur de la ville. Méchamment on pourrait même affirmer que le tremplin n'a été conçu qu'avec ce seul objectif : le plan photo-promotionnel de la ville de Grenoble. A son pied il est doté d'une aire d'arrivée pouvant accueillir 40.000 spectateurs (entrée à 10 Francs) et les épreuves ont lieu le dernier jour de l'olympiade, juste avant la cérémonie de clôture. Entièrement artificiel, construit en seulement quelques mois, le tremplin K112 est moderne pour l'époque. Mais il est très bas en altitude (1.200 mètres) et est mal orienté par rapport au vent. Il faudra même amener de la neige par hélico juste avant l'épreuve du 18 février 1968. Encore uniquement ouverte aux hommes, la compétition est remportée par Vladimir Belussov (URSS) et la médaille d'argent à Jirí Raška (Tchécoslovaquie), deux pays qui eux aussi n'existent plus. Le tremplin accueillera quelques épreuves en 1981 avant d'être définitivement abandonné suite à la décision de la construction, à Couchevel, du tremplin des JO d'Albertville. Aujourd'hui en friche, le « grand tremplin du Dauphiné » fait la joie des amateurs d'urbex et sa destruction coûterait sûrement bien plus cher que les 6 millions de Francs investis en 1968. Tout ça pour un bel angle photo...
J'étais étudiant à Marseille et avec qqs copains nous n'avons pas râté les retransmissions du soir à la télé. Que de souvenirs de cette année "chaude" !