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Brève cartographique #26

Photo du rédacteur: Thomas GROLLIERThomas GROLLIER

 

Si les enclaves c'est mon dada, le réseau routier c'est aussi ma « Grande passion » pour plagier Omar Sharif dans la pub. Allez hop, un petit tour sur les autoroutes en ce beau vendredi. C'est cadeau.

Nous avions ici même (Brève #1) déjà abordé l’histoire rocambolesque de la première autoroute française, l’autoroute de l’Ouest – qui deviendra l’A13 – entre Paris et Orgeval. Celle ci fut mise en service en 1946, après moults péripéties dont rien moins qu’une guerre mondiale. Alors au début des années 50 le réseau autoroutier français n’est encore qu’une ébauche. Seules quelques sections aux abords des grandes villes sont créées, mais aucune liaison d’envergure n’est en service. Assez vite, Antoine Pinay, qui n’est pas spécialement un manche pour tout ce qui touche l’économie, prône en 1952 la mise en place de péages afin de financer les travaux de construction. Résultat : 3 ans de débats parlementaires entre les tenants d’un service égalitaire pour tous et les fervents défenseurs du péage. La « loi n° 55-435 du 18 avril 1955 portant statut des autoroutes » est finalement adopté avec quelques axes majeurs pour contenter tous nos chers politiciens : péages autorisés mais de manière temporaire, contrat de concession entre l’État et des sociétés d’économie mixte dans lesquelles les intérêts publics doivent être majoritaires, interdiction du péage urbain,… Allez faites chauffer les moteurs on va voir ce qu'on va voir.

Sauf que ça prend du temps de créer ces nouveau axes, particulièrement les études et les choix des tracés. Et là, toute la France des clochers, va s’en donner à cœur joie. Si l’idée de base était de suivre les anciennes nationales ou la fameuse étoile de Legrand, d’autres choix stratégiques vont pourtant été privilégiés, parfois au plus court comme la future A1 bien loin du tracé de la N1, parfois au plus long comme l’A4 qui va circonvolutionner vers Verdun puis un passage très au nord par Metz aux dépens de Nancy. On y reviendra un jour dans une brève car ces choix furent parfois croustillants. Mais pour le moment tout cela reste dans les cartons à dessin des ingénieurs. Car il faut finalement attendre 1956 pour que le premier chantier soit réellement lancé pour la première autoroute française à péage. Alors vous imaginez ce tronçon à péage non loin d’une grande métropole comme Paris, Lyon ou Lille? Et bien pas du tout! Mes fidèles lecteurs, cette première section autoroutière à péage est celle reliant Fréjus et Mandelieu-La Napoule sur la Côte d’Azur. Elle permet en effet de contourner le massif de l’Estérel par le nord et de raccourcir de manière considérable le temps de liaison entre les deux villes en évitant de passer soit par la Nationale 7 au coeur du massif, soit par la pittoresque Nationale 98 et la Corniche d'Or en bord de mer par Saint-Raphaël et Théoule-sur-Mer.

La corniche d’Or (ex-nationale 98) : 28 km et 180 virages. Mais qu'est-ce que c'est beau...

Et c’est la toute jeune Société de l’Autoroute Estérel Côte d’Azur (ESCOTA) qui sera chargée (et l’est encore) de la construction, de l’entretien et de la gestion de l’autoroute qui ne nomme pas encore A8 (il faudra attendre la réforme nominative de 1966). L’axe est sinueux, les montées vers Les Adrets, le point culminant de la section, sont rudes mais le chantier, très technique, se déroule sans encombre particulier… jusqu’au 2 décembre 1959. Voilà une dizaine de jours qu’il pleut sans discontinuer, presque 500 mm au total. A côté de Fréjus, sur la rivière le Reyran, le barrage de Malpasset cède. La vague emporte tout sur son passage, dont le viaduc de l’autoroute en construction, puis déferle sur Fréjus et ses habitants. La catastrophe fera plus de 400 morts et disparus. Aujourd'hui encore, depuis l'autoroute en direction de Nice, vous pouvez apercevoir à droite d'énormes morceaux du barrage, charriés à l'époque sur 1300 mètres.

La Barrade de Malpasset. L'autoroute en construction apparait sur les deux photos du bas

Quelques mois plus tard, le viaduc du Reyran est encore en reconstruction et une pré-inauguration de l’autoroute (sur la seule voie finalisée, celle dans le sens Nice > Malpasset) a lieu pendant l’été 1960. Il faut compter 2 francs pour faire l’aller-retour.

Au péage de Mandelieu, alors au milieu des champs de fleurs, un préposé à casquette vous donne un ticket perforé. Toute une époque…

Le diffuseur de Mandelieu au début des années 60. L'allée bordée d'arbres est l'ancienne Nationale 7.

La totalité des deux sens sera mise en service en mars 1961 et, à l’été 1961, le prolongement de l’autoroute jusqu’à Villeneuve-Loubet, aux portes de Nice, sera mis sous circulation. Plus à l’ouest l’autoroute sera achevée jusqu’à Aix en 1974. A l’est c’est beaucoup plus compliqué entre le passage (ou non) par Nice puis la section entre Nice et la frontière italienne. Entre ouvertures partielles et atermoiements sur le tracé niçois, il faudra patienter jusqu’au milieu des années 80 pour avoir une autoroute A8 complète depuis l’A7 à côté d’Aix-en-Provence et l’Italie. Pour l’anecdote, si le péage de Mandelieu à Fréjus était de 2 Francs en 1960, c’est 2,80€ aujourd’hui (convertis en 18,30 Francs). Et 1960 c’était aussi le début du Franc lourd, dit Nouveau Franc, … grâce à Antoine Pinay, celui qui a justement autorisé les péages autoroutiers 5 ans plus tôt. La boucle est bouclée.

Accès temporaire pendant l'été 1960 (limitation à 60 km/h)

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